jeudi 4 mars 2010

Au Mexique, imbroglio judiciaire autour d'un Français emprisonné

Une forte odeur d'urine imprègne la prison vétuste d'Atlixco dans l'Etat de Puebla, au centre du Mexique. Gilles Moreaux, un Français de 46 ans y est incarcéré depuis novembre 2009. Accusé d'enlèvement, il clame son innocence et dénonce les tortures policières dont il aurait été l'objet.


Après une fouille sommaire dans des toilettes délabrées, les gardiens invitent les visiteurs à gravir un escalier étroit et pentu menant à un parloir où les détenus échangent avec leurs proches à travers un grillage. "Je suis innocent, assure-t-il d'une voix fébrile. Je risque de prendre soixante ans pour avoir dénoncé la torture que j'ai subie." Ce chef d'entreprise marseillais, vivant au Mexique depuis huit ans, dénonce des pressions sur sa défense et des falsifications d' expertises médicales. Le détenu, qui n'a pas encore été jugé, appelle l'Etat français à l'aide.

Ses conditions de détention semblent d'un autre âge : "On est trois dans une cellule de 4 m2 sans fenêtre. Je dors par terre avec les cafards et les rats, sans eau potable ni électricité. Mais c'est rien comparé au calvaire que j'ai enduré", dit-il. Hématomes, ecchymoses, troubles respiratoires... Les séquelles physiques disparaissent peu à peu. Pas le traumatisme psychologique qui se lit encore dans ses yeux. "J'aurais signé n'importe quoi pour que les coups s'arrêtent", soupire-t-il en référence aux deux jours de torture policière dont il aurait été victime après son arrestation.

L'accusation repose sur ses aveux. Une confession "spontanée", selon les autorités, où Gilles Moreaux déclare avoir été l'auteur de l'enlèvement d'une amie mexicaine, Irianelly Miranda Dominguez, avec laquelle il avait été kidnappé en septembre 2008. Celle-ci avait alors fait part à la police de ses soupçons contre lui. Pourtant, elle ne se présentera jamais à la justice.

Le 12 novembre 2009, Gilles Moreaux est arrêté dans une rue de Puebla par trois policiers en civil qui le conduisent dans les locaux de la Direction d'investigation spécialisée en délinquance organisée (Diedo). "Ils m'ont bandé les yeux et ont commencé à me frapper pendant des heures. Ils m'ont déshabillé avant de me verser de l'eau glacée sur le corps en me menaçant de mort. Ils m'ont mis un torchon sur la bouche et le nez puis ont versé de l'eau jusqu'à remplir mes poumons. J'ai cru que j'allais me noyer", raconte-t-il les larmes aux yeux.

Des faits confirmés par le docteur Julieta Gutierrez Lopez, qui l'a examiné après son arrestation, à la demande de la défense. "J'ai suivi le Protocole d'Istanbul. Ces examens médicaux et psychologiques prouvent qu'il a été torturé", assure-t-elle avant de préciser que son cas est loin d'être une exception au Mexique. Son avocat, Mario Alberto Rodriguez, a alors déposé plainte contre les agents de la Diedo.

Avertie du cas, l'ambassade de France a publié, le 5 janvier, un communiqué sollicitant "des éclaircissements sur les circonstances de son arrestation et des interrogatoires qu'il a subis". "Depuis, nous menons une enquête auprès de tous les acteurs", assure Fernando Batista, chargé du dossier à la Commission mexicaine des droits de l'homme.

Mais l'affaire tourne à l'imbroglio judiciaire. Un rapport préliminaire de la police judiciaire fédérale (PGR), daté du 1er décembre 2009, confirme d'abord la torture. La défense dépose alors un recours demandant sa libération pour manque de preuves. Le 4 février, un juge fédéral casse la décision d'incarcération prise par le juge local. L'accusé reste pourtant en détention sans que le ministère public fasse appel de cette décision dans les quinze jours prévus par la loi.

Le 26 février, l'analyse médicale officielle nie, cette fois, la torture. Trois jours plus tard, la mise en liberté est refusée. "C'est illégal", peste Luc Moreaux, son frère qui vit à Atlixco depuis un an. Ce dernier dénonce les manipulations judiciaires et les menaces. Le 27 février, son avocat aurait été enlevé une journée par un groupe armé. "Une série de représailles après que Gilles a témoigné par téléphone au journal télévisé de TF1 du 22 février. Nous comptons sur le soutien de la France", confie-t-il.

Mais la conjoncture semble peu propice. Selon une source proche du dossier, "la médiatisation des violences policières dérange la campagne pour l'élection du gouverneur de l'Etat de Puebla". Gilles Moreaux assume pourtant ses déclarations : "Je me bats pour moi mais aussi pour mes codétenus qui ont subi les mêmes sévices."

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