
En un frôlement céleste, les yeux fermés mais les sens en éveil, la sonde européenne Mars Express est devenue, mercredi 3 mars, l'engin d'origine humaine qui s'est approché le plus près de Phobos, l'une des deux lunes de Mars. L'un des plus petits satellites naturels des planètes du système solaire aussi - il ne mesure que 27 km dans sa plus grande longueur.
Pour obtenir les informations les plus intimes d'un corps si frêle, il faut se montrer délicat. La sonde a survolé Phobos à un peu plus de 60 km d'altitude, toutes caméras et instruments de mesure éteints. Presque inerte, Mars Express renvoyait seulement un signal radio vers la Terre. Les responsables de la mission espèrent qu'en traversant Phobos, ce signal a été affecté par d'infimes fluctuations. Leur analyse permettrait de préciser la gravité de la lune patatoïde (de l'ordre d'un milliardième de celle qui règne à la surface de notre planète), et peut-être de savoir si sa forme irrégulière recèle des cavernes intérieures. C'est pour ne pas perturber ces mesures que les autres instruments de la sonde ont été mis en veille. Mais pour ses sept prochains survols, à des distances un peu supérieures, Mars Express n'aura plus besoin de se montrer si discrète. Ses appareils seront successivement mis à contribution pour en savoir plus sur cet astre dont les origines sont aussi mystérieuses que celles de l'autre lune martienne, Deimos.
"Leur composition est très différente de celle de Mars : elle ressemble à celle d'astéroïdes primitifs, explique Jean-Pierre Bibring, de l'Institut d'astrophysique spatiale, auteur de Mars planète bleue ? (éd. Odile Jacob). Cela a fait penser qu'il s'agissait de corps qui avaient été capturés par l'attraction gravitationnelle de Mars." Mais les mécanismes de cette capture sont très difficiles à comprendre, et l'orbite actuelle de Phobos et de Deimos accentue les doutes sur cette explication. "Le plus probable est que les deux corps résultent d'un impact sur Mars, de même nature mais d'amplitude moindre que celui qui a créé notre Lune, poursuit M. Bibring, responsable du spectromètre Omega sur Mars Express. Les débris du choc ont formé les deux lunes, trop petites pour avoir évolué depuis." C'est ce qui fait leur intérêt scientifique : elles contiendraient de la matière de Mars telle qu'elle se présentait dans ses premiers âges, mais aussi de l'astre qui l'a percutée dans ces temps reculés.
Pour choisir entre ces hypothèses, il faudra attendre une audacieuse mission russe, à laquelle est associé le CNES, l'agence spatiale française. Phobos-Grunt, dont le lancement est prévu fin 2011, doit se poser sur la petite lune, l'étudier, puis en rapporter des échantillons sur Terre. Si cette mission réussit, les Russes seront vengés de la perte de deux sondes vouées à un survol très rapproché de Phobos, il y a vingt ans.
Les Américains pourraient aussi tenter de poser un pied humain sur Phobos, qui figure parmi les objectifs de leur nouveau programme d'exploration, avant Mars. Aussi lointaine que la Planète rouge, elle présente d'autres avantages : l'absence d'atmosphère et sa très faible gravité faciliteraient les manoeuvres d'approche et de décollage de ce futur poste avancé de la conquête spatiale.
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