samedi 3 avril 2010

Qui a tué la taxe carbone ?


Qui a tué la taxe carbone ? Mardi après-midi à l'Elysée, François Fillon se défend d'avoir annoncé l'abandon de l'impôt écologique. "Je n'ai jamais dit cela", assure le premier ministre devant Nicolas Sarkozy. Trop tard, le coup est parti. Ce 23 mars dans la matinée, face aux députés de l'UMP réunis à huis clos, le premier ministre indique que la décision doit être prise "en commun avec les autres pays européens sinon nous allons voir s'accroître notre déficit de compétitivité".

Qui dit Europe, dit négociations interminables. Les députés hostiles à cet impôt concluent à un enterrement, au lendemain de la défaite de la droite aux régionales. Cette taxe, censurée en décembre par le Conseil constitutionnel, car jugée "inefficace" et "inéquitable", n'entrera pas en vigueur au 1er juillet.

Rien ne peut stopper la tempête médiatique, ni le communiqué envoyé par M.Fillon en fin d'après-midi, ni les coups de fil de l'Elysée aux rédactions pour expliquer que le chef de l'Etat n'a pas renié ses engagements. La secrétaire d'Etat à l'environnement, Chantal Jouanno, se dit "désespérée", la secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot, "estomaquée", tandis que patronat et agriculteurs sabrent le champagne.

La chasse aux coupables est ouverte. Le ministre de l'environnement, Jean-Louis Borloo, enrage: "Sarkozy a peut-être tous les défauts, mais sur l'environnement, il est convaincu que cela fait partie de son honneur de chef d'Etat. Je trouve hallucinant qu'il apparaisse comme celui qui ne tient pas sa parole."

M.Sarkozy est victime de lui-même, d'un coup tenté au lendemain des élections européennes de juin2009. Europe Ecologie a réalisé un score historique de 16,3%. Se projetant sur les régionales de 2010 qui s'annoncent difficiles, M.Sarkozy exhume alors une idée de Nicolas Hulot, celle d'une taxe carbone, censée taxer l'énergie, pour récupérer l'électorat Vert.

Le chef de l'Etat rêve aussi d'arriver fin décembre en champion de l'environnement au sommet de Copenhague sur le climat. L'enjeu est historique. Au Brésil, en septembre, M.Sarkozy compare cette révolution aux débats sur la décolonisation, l'élection du président de la République au suffrage universel… ou la peine de mort.

CONTESTATION DE L'UMP

Très vite, la machine s'est enrayée. La socialiste Ségolène Royal tire la première. La présidente de la région Poitou-Charentes sent l'humeur des provinces, elle qui avait dénoncé la crise du pouvoir d'achat en 2007 contraignant M.Sarkozy à la suivre. En pleine récession, la taxe carbone fait fi des classes rurales et populaires, contraintes d'utiliser des voitures, souvent anciennes, faute de transports en commun.

La contestation gagne l'UMP, réunie à Seignosse dans les Landes pour son université d'été. Les députés ne retiennent de la taxe carbone que le mot taxe. Ils sont confortés par un sondage Viavoice, qui révèle que la majorité des Français la perçoivent comme un nouvel impôt. Franchement hostile à la taxe, M.Fillon tente de la fixer à un niveau jugé inopérant. Il est désavoué par M.Sarkozy, qui ne parvient pas à renverser l'opinion. Ce dernier a beau expliquer que les Français recevront en compensation un "chèque vert", rien n'y fait.

Le mécanisme est incompréhensible, car M.Sarkozy a laissé un malentendu diffus s'instaurer sur nature de la taxe. Pendant des mois, il évoque une innovation vertueuse pour l'environnement qui protégerait l'industrie française et européenne, en taxant l'énergie consommée dans la fabrication et le transport des produits industriels.

"L'idée était de pénaliser le réfrigérateur importé de Chine au détriment de celui fabriqué en Europe", explique un proche du chef de l'Etat. En réalité, il s'agit d'une taxe sur le fuel et l'essence. "Bercy et l'administration lui ont pondu un produit différent qui était en fait une TIPP", déplore ce proche du président, qui exempte M.Sarkozy, victime des fonctionnaires et technocrates.

LES DÉROGATIONS

Au fil des semaines, tous les lobbies ont obtenu d'être exemptés de la taxe carbone, notamment les entreprises les plus polluantes. Ces dérogations détournent définitivement les écologistes et conduiront à la censure du Conseil constitutionnel, fin décembre2009.

Pour Nicolas Sarkozy, voici les coupables: Jean-Louis Debré et les chiraquiens. Un proche du chef de l'Etat conteste cette analyse. Le Conseil constitutionnel n'aurait cessé d'envoyer des signaux de mise en garde à l'Elysée. "Ce n'était pas une surprise, tout le monde était au courant, mais personne n'a prévenu Sarkozy", assure ce proche.

En janvier, après l'échec de Copenhague, le cœur n'y est plus. Députés et ministres traînent des pieds. Le gouvernement est incapable de présenter un projet qui taxe les grandes entreprises comme l'exige le Conseil constitutionnel. "Nous avons besoin d'une dérogation de la Commission que nous avons du mal à obtenir", concède M.Borloo. Quant à une éventuelle directive européenne, dans les limbes.

Au Salon de l'agriculture, M.Sarkozy avait abandonné le combat idéologique: "Je voudrais dire un mot de toutes ces questions d'environnement, car là aussi, cela commence à bien faire." Mercredi, il comptait brandir une alliance avec l'Allemagne. Une ultime parade pour masquer sa défaite.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

 
Website Monitoring by InternetSeer hotel pas cher Votez pour ce site sur l'annuaire Tixido Annuaire des blogs, Net-CUP Annuaire blog: Rechercher et soumettre son blog gratuitement dans notre annuaire Paperblog : Les meilleurs actualités issues des blogs Annuaire blog