jeudi 18 mars 2010

L'équilibre du marché européen du CO2 est sous la menace de la Russie


BlueNext, la bourse européenne des émissions de gaz carbonique, a suspendu, mercredi 17 mars, les transactions sur un compartiment du marché, celui des REC (réductions d'émission certifiées). "Nous avons suspendu les opérations afin de mettre en place un dispositif de contrôle, indique Serge Harry, le président de BlueNext. Chaque unité de réduction est numérotée, et nous en dressons la liste afin d'empêcher que les REC déjà vendues par ailleurs puissent être présentées à nouveau sur le marché."


Cette suspension ne devrait durer que quelques jours. Elle découle du fait que le 12 mars, la Hongrie a annoncé avoir vendu 2 millions de REC au Japon. Officiellement, les unités vendues correspondent à des projets de réduction des émissions conformes aux règles du marché européen, dit système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS en anglais). Mais un opérateur européen pourrait légalement acheter ces REC au Japon pour les replacer sur le marché communautaire, provoquant ainsi un double comptage.

L'incident est le symptôme indirect d'un problème potentiel majeur du marché du carbone, qui représente une "bombe atomique" pour le système, selon un expert. Pour le comprendre, il faut remonter au protocole de Kyoto, signé en 1997. Ce traité fixait aux pays industrialisés un objectif de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre : ils s'engageaient à les réduire en moyenne de 5 % en 2012 par rapport à 1990.

Mais, dans la négociation, les pays de l'ex-URSS ont obtenu un surplus très important : comme ils avaient connu une très forte récession économique au début des années 1990, après la chute de l'URSS, le chiffre de leur engagement pour 2012 s'est trouvé être très supérieur à celui de leurs émissions actuelles.

Ainsi, alors que les autres pays industriels doivent réduire leurs émissions, les pays d'Europe de l'Est se retrouvent assis sur un confortable matelas de sécurité. Et puisque le marché du carbone commence à se développer, la tentation est grande de vendre ces "émissions" fictives, mais juridiquement tout à fait valables.

"EMISSIONS VIRTUELLES"

Les volumes en cause sont considérables : près de 10 milliards de tonnes de gaz carbonique pour la période 2008-2012, qui se répartissent entre la Russie (environ 6 milliards), l'Ukraine (2 milliards), la Pologne (1 milliard) et, pour le solde, les autres pays membres de l'Union européenne (UE) : Hongrie, Roumanie, République tchèque, etc. Cela représente plus de deux fois les émissions annuelles européennes. Une partie de ces émissions virtuelles peut être vendue aux Etats liés par le protocole de Kyoto. Ainsi, le 16 mars, le gouvernement japonais a indiqué qu'il finalisait l'achat à l'Ukraine de 30 millions de tonnes de CO2.

Mais ces "émissions virtuelles" pourraient aussi trouver leur chemin sur le marché, déprimant celui-ci fortement. Les anciennes républiques soviétiques peuvent les transformer en ERU (unité de réduction d'émission), qui peuvent être vendues soit sur le marché ETS, soit sur le marché international, où se négocient les REC. Ceux-ci proviennent des projets de réduction d'émissions mis en oeuvre dans les pays en développement, les MDP.

Or l'échec du sommet de Copenhague, en décembre, a rendu incertaine la prolongation du protocole de Kyoto au-delà de 2012. Les émissions virtuelles risquent donc de perdre toute valeur, et la tentation est grande de les négocier rapidement. Leur arrivée massive sur le marché - parfaitement légale - entraînerait une forte baisse du prix du carbone et fragiliserait considérablement l'ETS, qui est la pièce centrale de l'UE pour réduire ses émissions. Le prix de la tonne de gaz carbonique y est actuellement de l'ordre de 13 euros.

"Cette situation donne un pouvoir de négociation très important à la Russie, estime Benoît Leguet, directeur de la recherche de la Mission climat de la Caisse des dépôts et consignations. Elle peut détruire le marché européen, mais aussi celui des MDP, ce qui déplairait fort aux grands pays émergents."

Jusqu'à présent, la Russie n'a pas vendu d'ERU. Mais la banque d'Etat Sberbank a commencé en février des démarches en ce sens. Le pays dispose d'une autre option : obtenir dans l'accord succédant au protocole de Kyoto, qui sera discuté au Mexique fin 2010 et en Afrique du Sud en 2011, que son surplus d'émissions soit reporté dans la nouvelle période d'engagement. Mais cela signifierait une diminution de l'effort global décidé par la communauté internationale, comme l'a souligné la Commission dans son document de travail sur le changement climatique publié le 9 mars.

Ainsi, la Russie se retrouve dans une position centrale dans les négociations climatiques, au moment où il paraît de plus en plus clair que Barack Obama ne parviendra pas à faire adopter rapidement une loi sur le climat par le Congrès américain.

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