samedi 27 mars 2010
Urgent ! Vide politique à combler
Pourquoi avoir peur que des pays veuillent coloniser Haïti ? demande l’ex-homme politique et diplomate Gérard Latulippe. « Le pays n’existe plus, il est en friche ! » Comblons le vide avant que les gangs armés en prennent le contrôle.
« Je ne vois aucune autre voie que la mise sous tutelle d'Haïti », soutient Gérard Latulippe, directeur pour ce pays au National Democratic Institute, organisme américain non gouvernemental qui se consacre au renforcement des institutions démocratiques dans le monde. Cet ancien ministre libéral dans le gouvernement du Québec, qui fut aussi délégué général du Québec à Mexico et à Bruxelles, se trouvait en Haïti lors du séisme. Selon lui, le vide politique qui s'y est installé est un problème colossal et la communauté internationale devra s'y attaquer rapidement.
L'actualité l'a joint après son rapatriement à Montréal.
Quels dangers soulève le vide politique actuel ?
- Le premier est que les gangs armés fassent de nouveau la loi dans certains quartiers de Port-au-Prince, comme c'était le cas pendant de nombreuses années. L'ancien président Jean-Bertrand Aristide, en exil en Afrique du Sud, a d'ailleurs manifesté son intention de retourner en Haïti. Ça donne froid dans le dos, parce qu'il a un ascendant important sur les « chimères », ses militants armés. Il y a aussi les « organisations populaires », qui forment son réservoir de partisans et qui contrôlent un peu le pays. Il ne faut pas négliger Aristide : même à distance, il a de l'influence sur une partie de la population. Malgré la dévastation, il risque d'y avoir des luttes pour la prise d'une forme de pouvoir réel - pas nécessairement institutionnel - dans le pays.
La corruption est un autre problème. Haïti était déjà un des pays les plus corrompus au monde. J'ai vécu les ouragans et les inondations de 2008, et on voyait très clairement que l'aide était détournée. Enfin, le pays est tellement au centre de l'attention internationale qu'il peut devenir la proie de manipulations et de luttes entre les pays. Le Venezuela a été parmi les premiers à critiquer les États-Unis, lesquels, selon lui, utilisent l'aide humanitaire pour occuper le pays. Ce n'est pas le temps d'utiliser un pays mourant pour faire des guerres de pouvoir entre les nations !
Que peut faire la communauté internationale ?
- Il est urgent de combler ce vide politique et je ne vois aucune autre voie que la mise sous tutelle d'Haïti par la communauté internationale, avec la participation impérative des Haïtiens. Ça implique que pendant la reconstruction des institutions politiques, les décisions soient prises par un groupe de personnes nommées par le Conseil de sécurité de l'ONU, qui a la charge de diriger le pays. Une sorte de gouvernement transitoire formé grâce à une éventuelle résolution de l'ONU. L'actuelle Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti, la Minustah, ne peut pas gouverner le pays ; son mandat est limité.
Les craintes d'une forme de colonialisme pratiquée par les pays étrangers ne sont pas fondées, selon vous ?
- Ce sont des mots dangereux dans la situation actuelle. C'est de la manipulation politique. Car pourquoi coloniser Haïti ? Pour lui soutirer ses ressources naturelles ? De la main-d'œuvre à bon marché ? Le pays n'existe plus, il est en friche ! Il n'y a aucun avantage à coloniser Haïti. La communauté internationale est frileuse quand il s'agit d'imposer une gouvernance, parce que ça va à l'encontre de la souveraineté des États. Il y a un devoir d'ingérence sur le plan humanitaire et il y a un droit d'ingérence dans d'autres cas très limités - les génocides, par exemple. Mais dans le cas d'Haïti, il y a un vide juridique sur le droit d'ingérence. C'est tout un débat. Mais il ne faut pas être frileux.
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